Quelle est la bière la plus forte ?
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Comment définir une bière forte ? En se référant par exemple au «Beer Style Guidelines» du BJCP (Beer Judge certification program) ou à des définitions de styles issues des concours de bière. À la lecture des différents styles, la barrière symbolique entre les bières standards et fortes va se situer aux alentours de 7 % d’alcool parfois 7,5 % d’alcool.
La barrière symbolique des 7% d'alcool concerne la majorité des pays, pour l’anecdote en Norvège, une bière est considérée comme forte à partir de 4,8 % d’alcool ! De ce fait, ces bières sont uniquement vendues dans les magasins d’État. Mais revenons à notre sujet, pour qualifier cette notion de force, un certain nombre de qualificatif peut être employé comme : double, impérial, Foreign/Extra.
Prenons quelques exemples, en commençant avec la Guinness Stout «standard» (dry Stout/Irish Stout) qui va titrer 4,2 % d’alcool alors que la version Foreign/Extra stout atteint 7,5 % d’alcool. Concernant les IPA, il est apparu rapidement les DIPA, double IPA, titrant en général plus de 7 % d’alcool. Bien évidemment on pense aussi au style DoppelBock, les bières germaniques dont le nom finit en «or», comme la fameuse Salvator de la brasserie Paulaner. Ce genre de bière a été créé pour les périodes de Carême, période où les moines ne pouvaient pas manger mais avaient le droit de boire, donc l’idée fut de créer des bières nourrissantes. On peut aussi trouver de la même façon des doubles blanches, plus rares mais souvent très intéressantes gustativement parlant.
Etrangement, la notion de triple, en dehors du style lui-même (7,5% à 9,5% d’alc.) est très peu utilisée en complément d’un style pour indiquer une bière forte, et en ce cas il s’agit plus d’une utilisation personnelle du brasseur que d’une réalité stylistique. Autre exemple intéressant les Impérial Russian Stout, bières alors exportées d’Angleterre vers la cour de Russie (Catherine II) à partir de la fin du 18ième siècle puis vivotant via la Brasserie Courage de 1955 à 1993, présentées dans une petite bouteille de 175 ml. Ce style est finalement ressorti de l’oubli par la voie américaine et a été rebaptisé tout simplement «impérial stout», au niveau alcool on se situe plutôt entre 8 et 12 % d’alcool. On notera dans la catégorie des Impérial, quelques impérial Lager(s).
La réponse est assez simple : en mettant plus de matières premières (malts, céréales) lors du processus de brassage, à l’empâtage, ainsi on génère beaucoup plus de sucres fermentescibles qui seront transformés en alcool (et CO2) lors de la phase de fermentation. Il faut utiliser bien évidemment des levures adéquates, puissantes pour transformer tous les sucres en alcool. Naturellement, une bière va pouvoir atteindre 12 à 14 % d’alcool. Ainsi dans cette catégorie de bières très fortes on pourra citer le style Barleywine, comme l’emblématique Thomas Hardy ou encore la Bigfoot aux États-Unis.
Plus rare mais tout aussi intéressant, voire plus complexe sont apparus aussi les Wheatwine, la différence se situant dans l’utilisation en partie du froment (malt de blé). Les «quadruple» belges (Trappiste Rochefort 10, Cuvée de l’empereur ruban bleu de chez Het Anker) font aussi partie de cette famille des bières très fortes.
Il existe encore des bières bien plus fortes ! Les Eisbock, dont le principe est de congeler la bière, puis de récupérer le noyau d’alcool qui ne gèle pas à la même température que l’eau et en faisant cette exercice plusieurs fois d’obtenir un concentré de bière de plus en plus fort en alcool.
La brasserie écossaise Brewmeister qui s’arrogera le titre de bière la plus forte du monde avec tout d’abord la bière «Armageddon» à 65%, puis sa «Snake Venom » titrant 67,5% d’alcool
1) L’Aventinus Eisbock de la brasserie Schneider Weisse est une référence en la matière, elle titre 12% en alcool, ce qui est raisonnable pour ce style.
2) Il y a beaucoup plus fort comme la «Tactical Nuclear Penguin» à 32% d’alcool de BrewDog sortie en 2008. Dans les années qui ont suivi, une bataille a fait rage entre la brasserie écossaise BrewDog et la brasserie allemande Schorschbock, cette dernière ayant eu le dernier mot avec une bière à 57% d’alcool (Schorschbock57), en passant par des versions décalées chez BrewDog (55% d’alc.) où les bouteilles étaient insérées dans des écureuils empaillés !! Finalement la brasserie Het Koelschip aux Pays-Bas, avec sa bière «La Start the future» portera le taux d’alcool à 60%, considérée par certains comme le seuil maximum possible avec la technique Eisbock.
3) Puis viendra la brasserie écossaise Brewmeister qui s’arrogera le titre de bière la plus forte du monde avec tout d’abord la bière «Armageddon» à 65%, puis sa «Snake Venom » titrant 67,5% d’alcool, avec toutefois des suspicions sur la méthode, des traces d’éthanol ont été trouvées lors de tests dans le passé. On nage ici dans les extrêmes, et aussi pour les prix (50 à 600 € selon les modèles). Quant au goût il restera à chacun de se faire une idée si ces produits sont encore proches de la bière.
Pour revenir sur des bières plus naturelles, la bière Utopia de la brasserie Samuel Adams (Etats-Unis), peut être considérée avec ses 28/29 % d’alcool selon les millésimes (tous les 2 ans), comme la bière la plus forte du monde. Elle est présentée dans une magnifique bouteille en forme de cuve de brassage.
La recette est assez secrète, mais il s’agit d’utiliser des levures hyper puissantes (ninja levures) sur du très long terme avec ajout de sucre au fil du temps, puis de la faire vieillir environ 10 mois dans différentes barriques ayant contenues divers types de spiritueux selon les millésimes. Il faut compter environ 300 € pour une bouteille de 75 cl.
La période des fêtes de fin d’année approche à grands pas, c’est le moment de découvrir les bières de Noël qui en général sont aussi des bières fortes, bien qu’aucune définition n’existe. En effet les bières de Noël ne sont pas un style et chaque brasseur peut faire sa bière de Noël en fonction de son inspiration.
Vous pourrez aussi trouver des bières d’hiver, ce qui est la même chose, mais qui n’arrêtent pas l’achat du client le jour de Noël, comme quoi notre esprit reste figé sur quelques principes.
Bien évidemment, ces breuvages sont à boire avec la plus grande modération (près de la cheminée, c’est très sympa), vu le degré élevé d’alcool de ces bières.
Hervé Loux - Sommelier en bière